Fichage à l'arrache
Publié le 02/10/2008 à 11:49 - Modifié le 02/10/2008 à 16:47 Le Point.fr
Par Chloé Durand-Parenti et Clément Daniez (avec agence)
Michèle Alliot-Marie estime que cette "enquête" est inadmissible © Caroline Gautron / MAXPPP
Si Michèle Alliot-Marie a été contrainte de faire machine arrière sur le fichier Edvige, où aucun élément relatif à la religion des personnes ne devrait finalement figurer, il semble que les RG (Renseignements généraux) soient pour leur part toujours aussi friands de ce genre d'informations. Et pour cause, la direction des ressources humaines du conseil régional de Rhône-Alpes a affirmé, dans un communiqué, avoir reçu le 16 septembre un e-mail émanant de la police du Rhône pour le moins explicite sur le sujet.
"Auriez-vous l'amabilité de m'indiquer si, parmi votre personnel, vous avez des agents de confession autre que chrétienne. Dans l'affirmative, pouvez-vous me dire si certains d'entre eux ont demandé des aménagements d'horaires ou de service pour pratiquer leur religion", était-il écrit dans ce courrier électronique, en provenance d'un agent de la Sous-Direction de l'information générale (SDIG) de la Direction départementale de la sécurité publique du Rhône (DDSP), anciennement les RG. "Abasourdis, les services de la Région ont recontacté la DDSP du Rhône pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un canular. Après vérification, il s'agit bien d'une demande officielle !", ajoute la Région.
"Une atteinte aux principes de non-discrimination"
Les services de police auraient alors prétexté une étude faite à la demande de l'Association des maires de France, ce que cette dernière a, depuis, formellement réfuté. Selon la région Rhône-Alpes, "d'autres collectivités auraient également reçu les mêmes interrogations". "Edvige enterré ? Pas vraiment. Cette demande remet au goût du jour le fichier Edvige, dont certaines prescriptions seraient abandonnées dans le projet de décret annoncé par le gouvernement le 18 septembre dernier. Alors que le nouveau projet de décret est à l'étude, les Renseignements généraux constituent leurs fichiers, mais sous couvert de quel texte de loi ? Par ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que cette demande, qui stigmatise une religion par rapport à une autre, porte gravement atteinte aux principes de non-discrimination ?", conclut vertement le conseil régional.
"Inadmissible, totalement déplacée"
Cette "enquête" est inadmissible, totalement déplacée", a assuré mercredi soir le cabinet du ministre de l'Intérieur. Michèle Alliot-Marie "a immédiatement saisi le directeur général de la police nationale pour diligenter une enquête hiérarchique interne dont les résultats doivent lui parvenir dans un délai très bref qui ne doit pas dépasser vingt-quatre heures. Il est totalement inadmissible d'adresser ainsi à une collectivité locale une question de la sorte, sur un sujet qui n'a pas sa place dans les activités d'un service départemental d'information générale".
Le 26 septembre, le président PS de la région, Jean-Jack Queyranne, avait interrogé MAM "sur cette enquête qu'il trouve choquante tant dans son principe que dans les modalités de sa mise en oeuvre". Cette lettre "n'était pas encore parvenue à la ministre ni à son cabinet", a-t-on précisé place Beauvau, où on explique avoir découvert cette affaire par une dépêche de l'AFP. Michèle Alliot-Marie "ne manquera pas de tirer toutes les conséquences qui s'imposeraient au vu des résultats de l'enquête hiérarchique interne", a conclu son cabinet.
lors que le gouvernement est toujours prudent sur les question de fichage après le tollé provoqué par le fichier Edvige – renommé depuis EDVIRSP –, un courriel émanant des services de renseignement demandant de connaître la religion des fonctionnaires du conseil régional de Rhône-Alpes a suscité l'indignation, autant chez les autorités locales qu'au ministère de l'intérieur.
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Après vérification, ces derniers ont appris qu'il ne s'agissait pas d'un canular, mais bien "d'une demande officielle". Des fonctionnaires régionaux ont même assuré que "d'autres collectivités" ont reçu les mêmes demandes de la part des ex-RG. Ces derniers ont justifié leur demande du bout des lèvres, assurant qu'ils agissaient à la demande de l'Association des maires de France (AMF), qui a démenti toute implication.
AFFAIRE "INADMISSIBLE ET TOTALEMENT DÉPLACÉE"
Vendredi 26 septembre, le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, avait interpellé le ministère de l'intérieur sur cette enquête "choquante tant dans son principe que dans les modalités de sa mise en œuvre". Dans un communiqué, la région dénonce une demande qui "remet au goût du jour le fichier Edvige, dont certaines prescriptions seraient abandonnées dans le projet de décret annoncé par le gouvernement le 18 septembre dernier". "Alors que le nouveau projet de décret est à l'étude, les RG constituent leurs fichiers, mais sous couvert de quel texte de loi ? Est-il nécessaire de rappeler que cette demande porte gravement atteinte aux principes de non-discrimination ?", conclut la région.
Au ministère de l'intérieur, où on assure avoir découvert l'affaire par le biais de la presse, on s'est empressé de diligenter une enquête interne sur cette affaire "inadmissible et totalement déplacée". Selon la Place Beauvau, la lettre de M. Queyranne n'était pas encore parvenue au cabinet de la ministre Michèle Alliot-Marie mercredi. "Il est totalement inadmissible d'adresser ainsi à une collectivité locale une question de la sorte", explique-t-on au cabinet de Mme Alliot-Marie. Les résultats de cette enquête devraient être connus "d'ici à vingt-quatre heures au plus tard" et Mme Alliot-Marie "ne manquera pas de tirer toutes les conséquences qui s'imposeraient".