EDVIGE fichage

Publié le par Coordination contre la biométrie

Le patron de la Commission nationale informatique et libertés est réservé sur le nouveau fichierde police Edvige. Mais il est plus préoccupé par les nouvelles technologies.

Entretien

Edvige, le nouveau fichier de la direction centrale de la sécurité publique est dénoncé par la Ligue des droits de l'homme, des syndicats, des éducateurs, des parents d'élèves. Il inquiète. À juste titre ?

Grâce à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), ce débat peut avoir lieu, car nous avons exigé la transparence sur ce fichier et la publication du décret. Nous avons émis plusieurs réserves. Nous nous sommes d'abord opposés aux interconnexions de fichiers. En ce qui concerne les personnalités, nous avons obtenu qu'Edvige ne comporte pas d'informations sur leurs déplacements, leurs comportements, leur vie sexuelle, leur santé, sauf à titre « exceptionnel », ce qui signifie que les magistrats de la Cnil contrôleront ces informations. En revanche, nous n'avons pas obtenu satisfaction sur l'âge des mineurs.

Et c'est ce qui fait débat. Dès l'âge de 13 ans, un jeune « susceptible de porter atteinte à l'ordre public » pourra être fiché.

Edvige recense des données dans trois cas : dans le cadre d'une enquête administrative, d'une atteinte à l'ordre public, ou de renseignements sur des personnalités, élus, syndicalistes, religieux, journalistes... Nous demandions que, dans les trois cas, l'âge minimum soit de seize ans. En fait le ministère de l'Intérieur interprète les « mineurs de 16 ans » par « âgés de 13 à 16 ans ». Treize ans, cela nous semblait excessif.

Avez-vous les moyens de contrôler vraiment les fichiers de la police ?

Nous avons lancé depuis sept mois une grande opération de contrôle. Par ailleurs, depuis l'affaire Rebelle, le conseiller de Mme Royal pendant la campagne électorale, nous sommes saisis de plus en plus de demandes. Les gens veulent savoir ce que contient leur fiche RG. Ce fichier suscite beaucoup de fantasmes, mais celui qui me préoccupe le plus c'est le Stic, le système de traitement des infractions constatées, le grand fichier de la police.

Pourquoi ?

Si vous avez été mis en cause dans une affaire, mais finalement relaxé, vous pouvez toujours être dans le Stic. Les procureurs, débordés, oublient de faire corriger les données. Et cela peut avoir des conséquences graves. J'ai en mémoire le cas d'un homme, candidat à un emploi sur le tarmac de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Contrôle par la préfecture sur le Stic. L'homme est fiché. À tort. Il nous a saisi, mais le temps de vérifier, l'emploi lui avait échappé.

Les moyens de contrôles et de surveillance se multiplient. Biométrie, vidéosurveillance, géolocalisation. Cela vous inquiète ?

Edvige, on peut le contrôler. On peut toujours, dans une démocratie, réduire la puissance des fichiers de police. Par contre, on ne peut pas revenir sur les développements technologiques. La Cnil croule sous les demandes de contrôle par biométrie, par vidéosurveillance. La géolocalisation des personnes se développe de façon faramineuse. Je ne dis pas cela pour affoler, mais je crains que l'on ne se réveille un jour dans une société différente.

L'opinion semble indifférente, pas concernée.

Parce que c'est comme une lente montée des eaux. L'opinion ne s'en rend pas compte. Mais ces technologies introduisent un double traçage. Traçage dans l'espace. On sait où vous étiez. Et traçage dans le temps, grâce aux moteurs Internet, aux réseaux. J'appelle ce phénomène la dilatation du présent. On sait ce que vous étiez à vingt ans. Et on peut vous le reprocher dix ans plus tard. Comme si vous n'aviez pas changé entre temps.

Un exemple ?

Un étudiant, dans une soirée arrosée entre copains, s'est déculotté. Clic clac : une photo est prise et lancée sur Internet. Quelque temps après, il postule à un emploi. Le recruteur lui tend la photo : « Jeune homme, êtes-vous coutumier de ce genre d'activité ? » Je ne sais pas s'il a été embauché, mais de plus en plus de sociétés, grâce à Google, tracent les profils des candidats, leurs comportements. Et nous n'en sommes qu'aux débuts du phénomène.

Recueilli par

Bernard LE SOLLEU.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
EDVIGE est une étrange créature qu’il est sage de ne pas fréquenter de trop près. Elle sait tout sur tout, tout de vous même vos secrets les plus intimes. Et la discrétion n’est pas sa qualité première. Edvige, acronyme pour “Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale” est en fait un fichier informatique policier officiellement mis en service le 1er juillet dernier. Grâce à la charmante Edvige, vous êtes susceptibles d’être fichés et ce à partir de 13 ans. Sont consignés dans ces registres, données à caractère personnel tels qu’état civil, adresses diverses et variées, téléphone, plaque d’immatriculation mais aussi “signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement, données relatives à l’environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes ou fortuites avec elle.”Ce fichier a pour but de “centraliser et d’analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité ou exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif… ”, “de centraliser et d’analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ; de permettre aux services de police d’exécuter les enquêtes administratives qui leur sont confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. ”On se savait évoluer dans une société de surveillance mais là c’est le pompon. Car dans ce fourre-tout policier, fusion des données des RG et de la DST, on peut y mettre tout un chacun. Les associations de tout poil sont montées logiquement au créneau pour s’opposer à l’exploitation d’un tel fichier. Ainsi l’Association des Paralysés de France dénonce “ce fichage qui ne dit pas son nom et qui met de fait en cause toutes les personnes qui aujourd’hui sont investies pour défendre des idées, des droits, des personnes”. Elle souligne que “tous les acteurs de l’association quels qu’ils soient - élus, bénévoles, salariés ou adhérents - peuvent tomber sous le coup de ce fichier, de par leur fonction ou leurs actions”. Elle déclare que ce fichier “s’attaque aux fondements même de la démocratie et de la citoyenneté et constitue une régression des libertés individuelles et publiques”.Une fois de plus, les libertés individuelles sont bafouées au nom de la sacro-sainte sécurité et de l’ordre public. Chaque jour, l’état policier gagne un peu plus de terrain. Orwell avait tout d’un visionnaire. Little Brother is watching you…http://blog.in10sign.com
Répondre