Histoire de ma lutte contre la biométrie

Publié le par dédé

Historique de ma lutte contre la biométrie à l’AFC

 

1ère  partie : mars – novembre 2006

 


L’Association Formation Coiffure (AFC), satellite de la Fédération Nationale de la Coiffure Française (FNCF), gère des établissements d’enseignement professionnel dans le domaine de la Coiffure et de l’esthétique – CFA et Lycées professionnels – à Paris et à Toulouse.

 

Le 23 mars 2006, l’AFC a mis en service un dispositif (3 appareils) d’accès biométrique à l’un de ses établissements parisiens, le Lycée Marcel Lamy, 15 / 17, rue des Fillettes, dans le 18ème arrondissement. Il s’agissait d’appareils à reconnaissance digitale : 80 points des empreintes digitales enregistrés sur une base de données centralisées (matériel Easydentic). Ces appareils ont été installés sans l’autorisation (obligatoire) de la CNIL, sans en informer ni consulter le Comité d’Entreprise (information et consultation obligatoires) ; la directrice de l’établissement s’est contentée d’en parler à ses salariés et de distribuer le 22 mars aux élèves une note d’information intitulée : « Note aux parents d’élèves ». L’enrôlement des salariés et des élèves s’est fait aussitôt et seuls deux enseignants, tous les deux profs de français, dont la déléguée syndicale CGT, ont refusé de donner leurs empreintes.

Lors de sa réunion du 24 mars, le Comité d’Entreprise a demandé la suspension du système dans l’attente du respect de la procédure légale. A cette même réunion, je suis intervenu en tant que délégué syndical SUD, pour dénoncer la biométrie et j’ai lu un passage du « Livre bleu » du GIXEL qui préconise l’installation de systèmes biométriques dans les écoles pour accoutumer les jeunes à cette technologie et l’imposer ainsi au reste de la population. L’AFC n’a tenu aucun compte des demandes du CE.

Dès le 27 mars, une pétition circulait au Lycée Marcel Lamy, qui disait : « Afin d’améliorer notre qualité de vie dans l’Etablissement et pour des questions pratiques, techniques et de sécurité, nous, les enseignants et le personnel, ont accepté d’un commun accord avec la Directrice, Mme Sophie CLEMENT, la mise en place de capteurs basés sur la reconnaissance tactile du doigt. (aucune photo, ni dessin, n’est stocké dans une base de données). Nous sommes satisfaits de ce système et ne souhaitons pas qu’il soit retiré pour ces mêmes raisons » (sic). Une grande partie des salariés ont signé cette pétition.

 

Le 3 avril, j’ai rédigé et distribué un tract SUD intitulé : « Adresse aux salariés de l’AFC en général et à ceux du Centre Marcel Lamy en particulier » et le 23 mai, à la demande d’une élue du personnel du Lycée Lamy, je suis intervenu dans ce Lycée dont je ne suis pas salarié. En fait, il s’agissait d’un piège : j’ai été accueilli par une quinzaine de profs (environ la moitié du personnel enseignant) qui ne m’ont pas laissé parler et m’ont dit qu’ils étaient très contents de la biométrie, que je n’étais pas concerné et que je n’avais pas à m’occuper de leurs affaires et ils m’ont prié de partir. Comme j’avais prévu cette situation, j’avais rédigé un texte d’explication de ma position sous forme de questions / réponses. J’ai donc distribué ce texte avant de quitter une école aussi peu accueillante. Les tenants de la biométrie s’en sont pris tout particulièrement à un collègue, professeur d’enseignement professionnel (un coiffeur), qui, après avoir donné ses empreintes comme les autres, s’est ensuite rétracté. Il a été perçu comme un traître et ses collègues l’ont stigmatisé si bien qu’il a dû jeter l’éponge et accepter la biométrie à condition que l’AFC mette en place un dispositif permettant d’enregistrer les empreintes sur un support individuel. A sa décharge, il faut dire qu’il est "délégué rectoral" et donc précaire.

 

En mai, j’ai saisi la CNIL qui a enregistré ma plainte et m’a conseillé de ne pas faire trop de vagues car mon employeur risquait alors de se mettre en conformité avec la réglementation, ce qui me handicaperait dans mon combat contre la biométrie, ainsi que mes deux collègues qui ont refusé de se faire enrôler. En d’autres termes : « Vous serez bien embêté lorsque nous aurons donné notre autorisation. »

Entre temps, à la faveur des manifs du printemps, j’ai noué des contacts avec des opposants à la biométrie. Un petit groupe a distribué un tract aux élèves. J’ai été invité par « les Amis de George Orwell » à leur émission sur Radio Libertaire, le 6 juin.

 

Malgré tout ça, l’AFC est demeurée inflexible : se sachant soutenue par la majorité des salariés du Lycée Lamy, elle a joué la pétition contre la légalité que défendaient les représentants du personnel.

 

C’est à ce moment que la CNIL a semblé faciliter la tâche de l’AFC en changeant la réglementation par sa « délibération n° 2006-102 du 27 avril 2006 portant autorisation unique de mise en œuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance de l’empreinte digitale exclusivement enregistrée sur un support individuel détenu par la personne concernée et ayant pour finalité le contrôle de l’accès aux locaux sur les lieux de travail. » En résumé, il suffit maintenant de faire une déclaration de conformité en ligne pour recevoir par retour un « récépissé de déclaration » signé du Président de la CNIL, Alex Türk, par ailleurs sénateur UMP. Ce document précise toutefois que « la délivrance du présent récépissé n’exonère le déclarant d’aucune de ses responsabilités ».

 

C’est ainsi qu’à la rentrée, les membres du CE ont appris lors de la réunion du 31 août, que l’AFC avait mis son système biométrique en conformité (alors que jusqu’à présent on nous répétait que tout était parfaitement légal !). Le directeur général de l’AFC (et de la FNCF), M. Ribeyron, nous a alors annoncé que « le logiciel Easydentic avait évolué » au mois de juillet vers un système mixte « empreintes enregistrées sur base de données centralisées et support individuel » (au choix) et il a produit le fameux récépissé de déclaration de conformité en tentant de nous faire croire qu’il s’agissait d’une autorisation en bonne et due forme. Et à l’appui de cette affirmation, il nous a annoncé que l’AFC avait l’intention d’étendre ce système à ses établissements toulousains : un autre Lycée professionnel et un CFA. Il a également informé les représentants du personnel que les empreintes enregistrées en mars avaient été effacées. Pour preuve de la bonne foi de l’employeur, il a même annoncé que, cette fois, le CE allait être régulièrement informé et consulté. Peu de temps après, le dispositif a été remis en service au Lycée Marcel Lamy : les salariés se sont fait enrôler à nouveau ; comme en mars, les deux mêmes profs ont refusé de confier leurs empreintes digitales, y compris à un "support individuel" et le prof qui avait réclamé ce système pour échapper à la vindicte de ses collègues a été le seul à enregistrer ses empreintes sur carte.

 

Depuis la rentrée de septembre, l’atmosphère s’est dégradée au Lycée Lamy, en particulier pour la déléguée syndicale CGT que son refus de l’enrôlement associait de fait avec moi. Certains de ses collègues ont intériorisé la biométrie au point de se sentir personnellement mis en cause par le simple fait que quelqu’un puisse refuser l’enrôlement. Ce sentiment a entraîné des brimades croissantes à l’encontre de la réfractaire : une de ses collègues allant jusqu’à refermer prestement la porte derrière elle pour l’empêcher de rentrer ; une autre fois, ma camarade déléguée frappe à la porte et lorsqu’une collègue ouvre et se rend compte de qui veut entrer repousse la porte, mais pas assez rapidement, ce qui provoque un véritable bras de fer ; une autre fois encore, alors qu’elle frappe aux carreaux, elle doit essuyer les quolibets de deux de ses collègues et de sa directrice avant que ces derniers n’acceptent de lui ouvrir… Jusqu’à un avertissement lié à la sécurité : la directrice l’accusant – à tort – de ne pas avoir fait l’appel de ses élèves lors d’une alerte.

 

Conformément aux bonnes résolutions de notre employeur, cette question de la biométrie a donc été mise à l’ordre du jour des réunions du CE de septembre, octobre et novembre. J’ai soulevé à chaque fois la non-conformité de la déclaration à la CNIL, la nouvelle réglementation excluant de la procédure de déclaration simplifiée tout système ne reposant pas exclusivement sur support individuel et concernant des établissements accueillant des mineurs, ce qui est évidemment le cas d’établissements scolaires. La direction de l’AFC a soutenu mordicus que son système était parfaitement légal comme elle l’avait prétendu depuis le début.

 

J’ai régulièrement tenu informée la CNIL qui m’a fait savoir début novembre que ma plainte était en cours d’examen. Las d’attendre et devant l’arrogance persistante de l’AFC, j’ai informé divers organes de presse et en particulier l’AFP. Cette dernière, voulant vérifier mes dires, a tenté de joindre la direction du Lycée Marcel Lamy qui n’a pas souhaité répondre.

Mais la perspective d’une exposition médiatique (ou d’une intervention de la CNIL ?) a inquiété les dirigeants de l’AFC. Ces derniers ont pris prétexte d’un avis négatif des élus au Comité d’Entreprise (à l’exception d’une élue du Lycée Lamy) pour annoncer à la réunion du 17 novembre le retrait des appareils en service et le renoncement à installer le même dispositif à Toulouse. C’est bien la première fois que notre direction tiendrait compte de l’avis du CE !

 

Et maintenant ? On peut craindre un chantage à l’insécurité : la direction peut refuser de mettre en place un simple digicode ou interphone et obliger les élèves coiffeuses et esthéticiennes à passer par la rue, les exposant à se faire importuner, ce dont je serais évidemment responsable à cause de mon extrémisme intransigeant ; une sorte d’intégrisme anti-biométrique qui ne tient pas compte des impératifs de sécurité pour les jeunes et les salariés.

 

A ce jour, le système d’accès biométrique est toujours en service au Lycée Marcel Lamy

(à suivre…)

 

Le 23 novembre 2006


 

André Michard

Publié dans george parle...

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G
La vrai question est sans nul doute là : pourquoi y a-t-il des hordes barbares à l'extérieur de votre école où tout semble se vivre dans le calme et la sérénité.Etre citoyen c'est se préoccuper de l'évolution de la société, il semble que de plus en plus on recherche des systèmes automatisés et coercitifs pour faire régner l'ordre, sans essayer de comprendre pourquoi le lien et la relation se détériore si vite.
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K
"A l'heure actuelle au lycee Marcel Lamy, il y à plusieurs concierges (d'ailleurs l'une d'entre elles n'est pas très accueillante"Je suis au lycee marcel lamy et je confirme elle n'est vraiment pas acceuillante et elle n'est pas tres distinguer au telephone avec nos parent ! elle n'est jamais contente !!! je prefererais une camera et un interphone ! mes à l'heure actuelle on doit sonner à la porte encore.Et concernant les hordes de barbares vous ne croyiez pas si bien dire ! plusieurs filles et aussi des copines à moi on ete menacé et une à ete frappé l'annee derniere et j'ai un camarade qui à ete volé.
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L
J'aimerais savoir d'où vient toute cette "insécurité". A vous lire on dirait que les gens risquent leur vie quand ils sont dehors, que des hordes de  barbare tentent constamment de s'infilter dans le lycée, etc.élÚve-> Ce n'est pas parce que quelque chose est légal que c'est admissible. "Du moment que c'est légal". Même les dictatures ont des lois. Il faut voir au-delà des lois.La biométrie consacre non pas la liberté, mais la soumission.
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M
A l'heure actuelle au lycee Marcel Lamy, il y à plusieurs concierges (d'ailleurs l'une d'entre elles n'est pas très accueillante) qui s'occupent de la reception.  Il y à egalement une camera à l'entrée donc il semblerait que le probleme ici presenté, ne soit fort heureusement, plus d'actualité. Toutefois, je suis dans la section coiffure. J'ignore, comment cela se passe du côté de l'esthetique. D'après la 1ere visite de la totalité de l'etablissement. Il semblerait que la partie pour les estheticiennes soit avec un digicode.<br /> Cordialement.
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R
Et un concierge en chair et en os, comme ça s'est toujours fait du temps où la France était un pays civilisé et à visage humain, ça serait pas une bonne idée ?!et ça ferait un chomeur en moins, de plus
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